15.10.07

Portrait 15 Exposition AST 67 "Vivre son travail": Frédéric Tarte, maçon-coffreur
























Cet article fait partie de la série réalisée dans le cadre du projet de l'AST 67 "Vivre son travail".
Pour en savoir plus, rendez-vous ici.


Le coeur à l'ouvrage

"Je ne supporte pas d'être enfermé. Je préfère être dehors."

L'homme qui prononce ces paroles s'appelle Frédéric, il est maçon-coffreur.

Et de fait, ma rencontre avec lui aura lieu sur un chantier, en extérieur donc, forcément.
Sous un soleil de plomb.

Frédéric y participe à la réalisation d'un ouvrage d'art, un futur pont à destination du tramway.

Large sourire et bonne poignée de main pour m'accueillir et me présenter à ses collègues et responsables.
Frédéric aime mettre les gens à l'aise, ça se sent.

"J'ai commencé à travailler en usine après un apprentissage en mécanique. Mais ça ne pouvait pas coller. Mon père travaillait dans une entreprise de travaux publics, j'y ai été embauché comme manoeuvre. En 2 ans, je suis devenu maçon-coffreur. Si on s'intéresse au métier, ça va vite. Les anciens m'ont montré comment faire et surtout ils m'ont laissé faire. De toute façon, faut y aller, comme on dit. Ne pas attendre que ça se fasse tout seul."

Frédéric est un volontaire, quelqu'un qui se prend en main et recherche l'action.

La preuve ? Il a connu un grave accident du travail, son pied a été ecrasé et il a dû arrêter toute activité professionnelle durant plus d'un an.

"Le médecin du travail ne voulait pas que je reprenne le travail sur un chantier. J'ai fini par être licencié ! J'ai alors déniché un emploi de magasinier."

A son ton, j'ai vite compris que cela ne pouvait pas lui convenir.
Et, en effet: "Je n'en pouvais plus, assis derrière un bureau, à voir toujours les mêmes personnes faire les mêmes choses, c'était impossible !"
Frédéric a alors décidé de reprendre son travail de maçon, malgré les contraintes subies.

"Sur un chantier, c'est quelque chose de nouveau à chaque fois. On commence toujours un nouvel ouvrage. C'est plus enrichissant, plus stimulant. Ca n'est pas de la routine. Ca change, c'est varié. On travaille avec des personnes différentes, on fait des choses différentes."

"Les douleurs, j'en ai toujours mais je les oublie quand je travaille ! Parce que j'aime ça. C'st moi qui ai voulu reprendre le travail sinon c'était la dépression. Tant que je peux me lever pour aller travailler, c'est ok ! Si tu ne peux pas travailler, c'est le gouffre !"

Avec son ancien chef de chantier et son chef d'équipe, il est allé proposer ses services dans l'entreprise Demathieu et Bard pour laquelle il travaille toujours.

Pas le genre à se laisser aller.

"Depuis, je suis de nouveau heureux !"

"Mon travail de maçon-coffreur, je le réalise exclusivement sur des ouvrages d'art, par exemple la réalisation de piles de pont. Nous réalisons aussi le tablier et pour cela nous recourons à des techniques traditionnelles, j'en ai une certaine fierté. Ca nécessite plus de compétences et plus de technique."

Frédéric est un ouvrier conscient de ses responsabilités individuelles et un fort sentiment d'appartenance le lie à l'entreprise pour laquelle il travaille. "Ma camionnette est entretenue. Je fais attention à mes outils de travail, c'est une forme de respect. C'est à chacun d'entre nous de faire ce qu'il faut pour que l'entreprise tourne. Notre salaire en dépend. A nous de faire durer le matériel, de faire attention."

Frédéric est aussi un membre actif du CHSCT, il a souhaité y prendre des responsabilités.

"La sécurité c'est important, le respect de son intégrité physique, je sais ce que c'est."


"J'ai tous les certificats d'aptitude à la conduite d'engins de chantiers, un brevet de secourisme, je suis polyvalent. Je sais que mon patron peut me faire confiance. En plus je travaille dans une entreprise qui le permet, nous sommes compétents et formés, c'est ok."

"Ce que j'aime, c'est entretenir des relations avec les personnes on apprend des choses. Il y a de l'échange, donc du partage. On reste en contact d'un chantier à l'autre.J'ai des relations fortes avec les personnes avec lesquelles je travaille. J'ai un boulot à faire mais pas de manière isolée, c'est en compagnie d'autres personnes. La relation c'est important, il faut discuter pour bien travailler."

J'aurai l'occasion de m'en apercevoir Frédéric explique, discute, demande, entraîne sur le chantier. A droite, à gauche, il est de toutes les opérations ou presque. Un homme sur lequel on peut compter, c'est évident.

"Je travaille depuis l'âge de 16 ans, j'en ai aujourd'hui 40 et je sais qu'à 60 ans j'apprendrai encore. les nouveaux peuvent avoir de meilleures idées, il faut savoir les entendre, discuter avec eux."


"J'aime bien apprendre. J'aime bien montrer aussi, échanger. Je laisse faire aux jeunes, essayer, tenter puis je montre comment faire."

"Les relations, c'est vraiment important. On peut s'engueuler. Mais pas de susceptibilité. Ne pas garder de rancoeurs. Il faut savoir passer l'éponge, remettre les compteurs à zéro, comme on dit."

"Ce que j'aime également en travaillant sur les chantiers, c'est qu'on respire. On est dehors. On est un peu à part, à l'écart des routes, des rues. Nous avons de l'autonomie, de l'indépendance. On ne dérange personne."

Frédéric voit les choses du bon côté: "Je ne me plains pas. Le mental est important. Il faut se battre, ne pas se laisser aller, être positif, savoir reprendre du poil de la bête. Moi, quand je me lève, j'ai envie d'aller travailler. Autant prendre les choses du bon côté."

Ses recommandations pour s'éclater dans son métier:

- "Plus vite on démarre, plus vite on a fini ! Il faut se lancer, il faut foncer. Si on démarre bien le matin, ça ira plus vite !

- A toi de montrer ce que tu sais. Si tu veux obtenir quelque chose, montre ce que tu sais faire d'abord.

- Eviter d'être borné. Il y a toujours des solutions à trouver. Il suffit souvent de rester calme, posé. Mieux vaut réfléchir avant que d'agir n'importe comment, surtout dans notre métier qui est dangereux.

- La notion d'équipe est importante, il faut montrer l'exemple aussi, partager ses compétences.

- Je crois que la confiance est essentielle. Faire confiance, donenr confiance, mériter la confiance, tout ça c'est important. La sincérité, la loyauté, l'entraide."

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