16.10.07

Portrait 18 Exposition AST 67 "Vivre son travail": Françoise Dapp-Mahieu, décoratrice et costumière
























Cet article fait partie de la série réalisée dans le cadre du projet de l'AST 67 "Vivre son travail".
Pour en savoir plus, rendez-vous ici.


Le voyage d'une femme libre



"Je vous sers un petit café ?"

Ca y est, le ton est lancé. La voix est sonore, une cigarette est déjà allumée pour démarrer la conversation, Françoise m'accueille avec le sourire dans le bureau administratif du Théâtre du Marché aux Grains à Bouxwiller et se prêtera de bonne grâce au jeu des questions-réponses.

"En 2007, je fête mes 60 ans comme l'AST" me dit-elle en riant. "Et ça fait 30 ans que je bosse. Un peu plus même si on compte la période où j'animais des colonies de vacances et les quelques années passées à la maison à élever mes enfants."

"J'ai vraiment démarré ma vie d'intermittente du spectacle en 1968. J'habitais Paris, le joli mois de mai ça n'a pas beaucoup plu à mon père qui m'a gentiment priée d'aller voir ailleurs s'il n'y était pas!"

Et c'est l'année d'après, en 1969 donc, que Françoise arrive à Strasbourg. "J'avais fait des études d'art, j'avais donc un petit bagage pour me lancer bien que franchement je n'avais aucune idée de ce que je voulais vraiment faire !"

C'est finalement en Normandie que l'aventure artistique débutera pour Françoise avec la troupe de la Comédie de Caen. Elle se poursuivra ensuite à Strasbourg au TNS de la grande époque.

"Etre employée à temps plein ne me convient pas trop, être intermittente est plus en phase avec moi-même. Bien sûr, ça n'est pas une situation toujours facile, il y a les incertitudes des lendemains, etc..."

Mais, au fur et à mesure de notre conversation, je comprends que ces contraintes ne pèsent pas bien lourd face au grand besoin de liberté qu'éprouve Françoise.

"J'ai travaillé pour presque toutes les structures théâtrales de Strasbourg et pour France 3. On se trouve très vite une famille dans le milieu artistique. Dans un premier temps, je m'occupais surtout des décors et des accessoires. Et puis, j'ai eu envie de voir d'autres choses, de m'intéresser aux costumes. Un costume c'est aussi beaucoup moins lourd qu'un décor, et puis je trouvais que l'univers du décor qui était principalement masculin n'était pas toujours forcément drôle pour une femme !"

Son arrivée au Théâtre du Marché aux Grains date de 1985; elle habite Bouxwiller depuis quelques années.

"Mon activité est large ici. En fait je suis partenaire d'une équipe de création, c'est comme ça que je définis ce que je fais. Avec comme préférences, les décors, les costumes et les accessoires. A vrai dire, il faut un peu tout faire, je ne m'occupe pas que des costumes, c'est l'esprit de troupe ! J'essaie de vendre des spectacles auprès des structures, ce n'est pas ce que je préfère mais ça fait partie des nécessités aussi. Ce n'est pas le plus gratifiant mais quand on arrive à remplir quelques cases du calendrier de tournée, on se dit que cela va permettre de continuer, c’est un travail d'équipe."

Femme passionnée, Françoise l'est c'est certain.

Lorsque je lui demande ce qui la caractérise au quotidien, ce sont des mots comme la curiosité, la découverte et la créativité qui émaillent sa réponse.

"Ce que j'aime dans mon activité, c'est d'être en recherche continuelle. On dit parfois de moi que je suis une emm... ça peut péter ! Ce qui est sûr, si je réfléchis à mon parcours, c'est que je suis finalement d'un naturel adaptable. Je ne sais toujours pas de quoi sera fait le lendemain. J'ai eu des moments où je n'ai pas pu payer mon loyer mais je me suis arrangé ! Je ne m'en suis pas trop mal tiré après tout, le travail est souvent venu au bon moment. J'aurai peut-être une retraite faite d'itinérance, il me faudra m’adapter pour vivre avec environ 600 euros par mois!"

Cette façon de ne pas s'en faire inutilement n'empêche pas Françoise de devoir affronter la difficulté: "même après 30 ans d'activité et d'expérience, je me pose des questions. Est-ce que je vais pouvoir répondre à la demande du metteur en scène ? Je me réveille encore la nuit en me disant que je n’ai pas assez cherché, que je me suis trompée, que je n’ai pas assez d’idées ! Et puis avec certains comédiens, il y a parfois des conflits. Porter un costume ça n'est pas neutre. Il m'est arrivé plus d'une fois de retrouver un costume jeté, abandonné, abîmé, froissé. Le costume est porteur d'une sacrée symbolique. S'il est flatteur, il sera porté évidemment avec plus de plaisir. Certaines matières, certaines couleurs, certaines formes sont plus facilement acceptées, paraissent plus protectrices. Avec les comédiens, il y a donc une relation de confiance à établir. C'est très important. C'est aussi une chance de pouvoir travailler avec des comédiens que l'on connaît, avec lesquels on a déjà travaillé, qui sont fidèles au Théâtre du Marché aux Grains. On se connaît, on sait ce qu'on peut faire. Mais si je parle parfois d'angoisse, il ne faut pas oublier non plus le grand bonheur, qu'est-ce que ça fait du bien. C'est toujours un nouveau projet, une nouvelle aventure."

Ses recommandations pour s'éclater dans son métier:

-"Etre capable de disponibilité, c'est-à-dire de la générosité, ce qui revient aussi à de l'amour.

- Se bluffer. Se fixer et relever des défis. Prendre des risques. S'étonner soi-même, se surprendre, sinon on est dans la routine. C'est important de pouvoir être fier de ce qu'on a fait, d'être content de soi.

- Ne pas perdre son temps avec des casses-pieds. Je choisis mes emm...peut être que je peux me le permettre maintenant, mais ce n’est pas toujours possible.

- Rester indépendant tout en se rendant compte de ce que les autres peuvent vous apporter. On ne se réalise pas seul."

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