7.10.07

Portrait 11 Exposition AST 67 "Vivre son travail": Odile Petit, éthologiste, CNRS, département Ecologie/Physiologie/Ethologie
























Cet article fait partie de la série réalisée dans le cadre du projet de l'AST 67 "Vivre son travail".
Pour en savoir plus, rendez-vous ici.

Vivre avec passion contre vents et marées

Odile, c'est un sourire, une énergie, un courant d'air chaud ! C'est surtout une éminente éthologiste, chercheuse au CNRS, spécialiste du comportement animal donc.

Méditerranéenne d'origine, strasbourgeoise d'adoption, elle m'ouvre avec gentillesse les portes du Centre de primatologie dans lequel elle mène ses observations auprès des primates.

"Je suis un pur produit universitaire ! Quand j'étais petite, je voulais être vétérinaire, mon truc c'était les animaux, pas forcément les soigner mais être avec eux."

"Après un double baccalauréat, j'ai démarré un cursus de Biologie générale à Nice, étant originaire de Toulon. Je me souviens d'un cours sur l'évolution de l'anatomie du cerveau qui m'a passionné. J'ai alors commencé à m'intéresser sérieusement aux neurosciences. A Marseille, en Neurosciences du Comportement, au lieu de 200 étudiants, il n'y en avait que 20, c'est-à-dire qu'il y avait plus d'enseignants que d'étudiants, c'était génial ! J'ai tout de suite été dans le bain de la recherche. Tout était intéressant : la matière, les enseignants, la ville de Marseille."

C'est là qu'Odile découvre l'éthologie, prépare un exposé sur l'organisation sociale des primates, pour lequel elle lit tout ce qui existe ou presque.

Ayant définitivement trouvé sa voie, elle sort major de sa promotion.
"Il suffisait que je fasse quelque chose qui m'intéresse", me déclare-t-elle simplement.

"Tous mes thèmes postérieurs de recherche étaient contenus dans ce premier travail ! J'ai eu la chance de tomber sur les bons ouvrages."

Face à la passion, tout paraît si simple !

A l'issue de sa formation initiale, les portes du laboratoire d’Ethologie et Neurobiologie à Strasbourg lui sont ouvertes. Elle y préparera son troisième cycle puis une thèse qu'elle finalisera à Paris et Jersey où elle travaillera au Jersey Wildlife Preservation Trust créé par Gerald Durrell.

"Ce qui m'anime, c'est la vision intégrative, holistique de la recherche, la dimension comparative aussi. J'ai très vite étudié plusieurs espèces de macaques, de babouins, de capucins. J'ai élargi mon champ d'étude en n’étudiant pas seulement les organisations sociales mais aussi la cognition. Et je me sens plus éthologiste que primatologue car j'ai aussi mené des études sur les canards, les oies, les chevaux, par exemple."

Odile travaille aujourd'hui au CNRS, structure qu'elle a intégré très rapidement après son doctorat.

"Mon travail, c'est l'observation, la mise au point de protocoles, la publication, l'analyse de données, les statistiques. C'est aussi la vulgarisation au travers de conférences, animer la fête de la Science,... La participation à des colloques et des conférences internationales. J'anime aussi un site web d'initiation à l'éthologie et j'ai participé à la réalisation d'un film sur le métier d'éthologiste."

Mais l'activité d'Odile ne se limite pas à ce champ d'activités. En bonne scientifique, elle appartient bien sûr à plusieurs sociétés scientifiques et elle est secrétaire de la Société Française pour l’Etude du Comportement Animal qui promeut les actions de recherche en comportement animal pour l'ensemble de la France et des territoires francophones.

"Je réalise également des actions de formation continue en proposant des cours d'éthologie et de primatologie. Et je prends beaucoup de temps pour l'enseignement universitaire. J'encadre les travaux de recherches de plusieurs étudiants et j'aime ça. Une journée-type alterne plusieurs activités : observation, accueil d'un stagiaire, validation d'une analyse, un article à corriger, entraîner un étudiant avant un oral, sans compter les réponses à des questions qui sont toujours urgentes !"

En gros, une journée n'est jamais suffisante pour tout faire. Odile fonctionne comme un post-it géant avec des listes de choses à faire, à ne pas oublier,...

"On ne peut pas dire que je sois mono-tâche. Il y a des fois où je me sens submergée. Dans ce cas-là, je dois faire le sous-marin, disparaître un peu sinon plus rien n'avance, je ne suis plus là pour personne !"

Odile est aussi une chercheuse proche de ses étudiants, "ce sont mes petits", me dit-elle.

"Je n'établis pas de frontière étanche avec eux et même entre vie personnelle et vie professionnelle. C'est un tout. Ca me paraît plus sympathique de vivre comme ça. Je crois que c'est nécessaire d'être disponible et en proximité avec eux. Ils viennent souvent de loin, sont parfois un peu perdus en arrivant ici. J'ai une relation particulière avec eux, sans doute non conventionnelle. Je les porte. J'aime quand ils sont pugnaces, je ne veux pas qu'ils soient fades ou neutres. La dimension humaine est essentielle. Je ne souhaite pas établir de distance, je préfère le participatif."

Odile ne recherche pas des béni-oui-oui : "Je ne veux pas les formater. Je dois tout faire pour qu'ils ne soient pas conformistes. Je m'en voudrai de les passer à la moulinette ! Ce ne sont pas des clones."

Pour cette scientifique souriante et passionnée, on peut travailler sérieusement sans pour autant vivre dans la grisaille ou la routine.

"On se marre en travaillant, il y a des discussions, ça crée de la confiance. Il y a un vrai travail d'équipe avec des étudiants que je souhaite autonome le plus vite possible, il n'y a pas de hiérarchisation."

Pour elle, à l'évidence, les relations humaines tiennent une place essentielle, centrale.

"Il y a un vrai retour aussi. Je donne autant que je reçois. J'obtiens de vrais remerciements, c'est très valorisant et gratifiant pour tout le monde quand un vrai contact est établi."

"Ce qui me motive, c'est l'indépendance. Progresser m'intéresse, non pour le statut, mais pour être toujours un peu plus mon propre maître ! Je suis rebelle à l'autoritarisme. L'ordre et l'autorité injustes m'irritent."

Ce qu'elle apprécie le plus ?

"Travailler en collaboration, discuter, partager les données. On ne peut pas être compétent dans tous les domaines, il y a une synergie à rechercher et puis ça m'ennuierait d'être seule dans mon coin. C'est plus stimulant, plus vif pour moi s'il y a des échanges."

"La stimulation intellectuelle, quand l'idée jaillit, j'adore ça. Quand ça part en vrille, parfois même dans le délire, c'est l'impression que c'est comme si c'était normal, presque évident, que tout s'emboîte. Quand les pièces du puzzle se rassemblent, c'est fabuleux."

La mise en place d'un protocole est très importante aussi pour Odile, de même que l'observation sur le terrain.

"Je ne pars pas d'une hypothèse théorique, d'une idée préconçue mais toujours d'une observation ou au moins d'un contexte concret. Il faut être capable de remettre en cause un modèle établi. Mon but est de partir du terrain, amener des faits et non pas énoncer une théorie sans la tester. L'intérêt, c'est de valider, pour cela il faut de la matière."

Ses recommandations pour s'éclater dans son métier :

- "Avoir une idée,une conviction, y croire, se la démontrer à soi-même, avoir le courage de la démontrer aux autres contre vents et marées, savoir garder le cap, savoir dire non !

- Accepter que ça ne soit pas facile. Faire sans passion, non, c'est impossible !

- Décloisonner".






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