Cet article fait partie de la série réalisée dans le cadre du projet de l'AST 67 "Vivre son travail".
Pour en savoir plus, rendez-vous ici.
Rolling Stones
Yves est enseignant-chercheur à l'Ecole et Observatoire des Sciences de la Terre.
Marseille et Lyon précédèrent Strasbourg dans son parcours de scientifique.
L'intitulé de sa thèse, soutenue en 1991 : "L'endommagement thermique des granites."
Abscons pour la plupart, ses thèmes de recherche se révèlent passionnants lorsqu'on a la chance d'entendre et de voir Yves vous en parler. Ils portent sur l'analyse des réservoirs géologiques comme par exemple le site géothermique de Soultz-sous-Forêts.
Ses yeux et ses mains s'animent pour vous brosser le panorama d'un monde en mouvement, vous raconter l'épopée de la planète Terre sur laquelle nous vivons et que nous connaissons finalement si peu.
Si la recherche le passionne, l'enseignement lui permet de transmettre sa passion et sa rigueur.
Emmener ses étudiants sur le terrain, c'est permettre à la démonstration théorique présentée en amphi de prendre corps, prendre vie.
Yves aime plus que tout apprendre à ses étudiants à regarder.
"Mon métier, est avant tout un métier de naturaliste même s'il est fondamental de quantifier et de modéliser pour comprendre", me dit-il.
"Savoir faire une bonne description des choses, identifier les bons paramètres, c'est essentiel avant de vouloir mesurer, quantifier puis de modéliser un objet ou un phénomène géologique."
"Nous travaillons dans une très large gamme d'ordres de grandeur. Du très petit, c'est-à-dire l'échelle atomique, jusqu'au très grand, qui est l'échelle du globe.
Nous devons également appréhender différentes dimensions. La carte manipulée dans les mains représente des données en 2 dimensions alors que nous travaillons sur un monde en 3 dimensions.
Nous devons aussi travailler sur différentes échelles, celle du temps, de la seconde aux millions d'années, celle aussi de l'espace.
Il faut donc beaucoup de fluidité pour appréhender notre environnement sous l'angle de la géologie. Il faut faire preuve d'une grande capacité d'abstraction".
Yves apprécie particulièrement cette notion de jeu, de devoir jongler avec plusieurs paramètres.
"Etre créatif, inventif, faire comprendre", voilà sa mission.
Il considère très clairement que c'est une chance que celle d'avoir le statut d'enseignant-chercheur.
Son rôle est de donner envie, être attractif. Bien sûr, il y a les cours fondamentaux "qui ne sont pas forcément marrants" pour chaque étudiant mais qui ne sont pas une fin en soi.
Il considère qu'il a une réflexion pédagogique à mener : expliquer à l'étudiant, futur chercheur ou ingénieur dans le public ou le privé, pourquoi il aura besoin de ces fondamentaux, tout comme le musicien virtuose, affanchi depuis longtemps du solfège, ne peut manquer de s'y confronter au démarrage de son art.
A quelqu'un qui lui oppose que décidément il s'intéresse à un champ d'investigation inanimé, mort, statique, Yves déclare au contraire "qu'un caillou peut être vivant. A 100 kilomètres de profondeur, ce même caillou est comme du chewing-gum. Les objets géologiques sont dynamiques."
C'est d'ailleurs arriver à faire comprendre cet aspect dynamique de la géologie qui lui paraît essentiel.
Il s'amuse aussi de la communauté des chercheurs qui est une vraie micro-société dans laquelle tous les comportements humains sont à l'oeuvre.
"La science n'est ni froide, ni figée. Elle est affaire de sentiments humains aussi, et donc de conflits, de controverses. Tant qu'un chercheur reste critique sur le modèle qu'il propose, la science peut avancer".
Ce qu'Yves aime le plus dans son métier:
"Permettre à ses étudiants, non seulement d'emmagasiner des connaissances, mais aussi et surtout de leur apprendre à réfléchir.
Valoriser l'esprit de contradiction, de discussion sur eux-mêmes".
Lorsqu'il leur demande de réaliser des mesures, c'est aussi pour les leur faire discuter, leur permettre de les remettre en cause, d'évaluer la qualité de leurs raisonnements, d'éprouver la valeur de leurs arguments.
Il agit pour développer leur autonomie, leur indépendance d'esprit.
C'est aussi l'indépendance dont il jouit qui lui a fait choisir ce métier. "Je peux choisir mon objet d'analyse lorsque je fais de la recherche. A moi de trouver les moyens pour financer mes recherches grâce à des fonds privés et publics."
Yves apprécie cette notion de "pépinière d'idées" qu'est l'Université. "Ce sont parfois des bricolages qui ont nourri la recherche et qui ont permis de déboucher sur des applications essentielles."
Ses relations avec l'industrie le satisfont également. Pour lui, c'est une nécessité d'avoir partie liée avec elle.
"Les intérêts sont communs. Même si, d'une façon générale, ces liens ne sont pas aussi forts que ce qu'ils pourraient être. Ca me permet de rester en lien avec les réalités du moment, les grands problèmes actuels. C'est ce qui permet à l'Université de ne pas être coupée du monde, pour les étudiants , c'est très important. Il s'agit de créer des esprits capables d'analyser le réel."
Ses recommandations pour s'éclater dans son activité professionnelle:
- "Savoir cultiver son indépendance, savoir préserver un espace où l'on reste maître de son activité. Savoir faire accepter son particularisme, sa spécificité. Ce n'est pas forcément facile, on peut même prendre quelques coups au passage mais c'est valable, c'est important.
C'est aussi la notion d'être comme un électron libre, libre de penser, de concevoir même s'il y a des contraintes.
- Garder la maîtrise de son temps, pouvoir gérer son temps à sa façon, lorsque c'est possible. L'important, c'est le résultat, l'objectif atteint.
- Travailler à fond dans quelque chose. Ne pas compter ses heures. Je suis capable de travailler toute une nuit pour préparer un guide d'excursion terrain pour mes étudiants.
- L'aspect relationnel est aussi important. Je ne pense pas être un grand communicant mais je sais que la relation est quelque chose d'important. Savoir tenir compte de l'autre est important, ça fait partie du confort de travail, le bien-être humain.
- Edicter des règles du jeu qui soient claires et les faire respecter. "Je dis ce que je fais, je fais ce que je dis."
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Yves est enseignant-chercheur à l'Ecole et Observatoire des Sciences de la Terre.
Marseille et Lyon précédèrent Strasbourg dans son parcours de scientifique.
L'intitulé de sa thèse, soutenue en 1991 : "L'endommagement thermique des granites."
Abscons pour la plupart, ses thèmes de recherche se révèlent passionnants lorsqu'on a la chance d'entendre et de voir Yves vous en parler. Ils portent sur l'analyse des réservoirs géologiques comme par exemple le site géothermique de Soultz-sous-Forêts.
Ses yeux et ses mains s'animent pour vous brosser le panorama d'un monde en mouvement, vous raconter l'épopée de la planète Terre sur laquelle nous vivons et que nous connaissons finalement si peu.
Si la recherche le passionne, l'enseignement lui permet de transmettre sa passion et sa rigueur.
Emmener ses étudiants sur le terrain, c'est permettre à la démonstration théorique présentée en amphi de prendre corps, prendre vie.
Yves aime plus que tout apprendre à ses étudiants à regarder.
"Mon métier, est avant tout un métier de naturaliste même s'il est fondamental de quantifier et de modéliser pour comprendre", me dit-il.
"Savoir faire une bonne description des choses, identifier les bons paramètres, c'est essentiel avant de vouloir mesurer, quantifier puis de modéliser un objet ou un phénomène géologique."
"Nous travaillons dans une très large gamme d'ordres de grandeur. Du très petit, c'est-à-dire l'échelle atomique, jusqu'au très grand, qui est l'échelle du globe.
Nous devons également appréhender différentes dimensions. La carte manipulée dans les mains représente des données en 2 dimensions alors que nous travaillons sur un monde en 3 dimensions.
Nous devons aussi travailler sur différentes échelles, celle du temps, de la seconde aux millions d'années, celle aussi de l'espace.
Il faut donc beaucoup de fluidité pour appréhender notre environnement sous l'angle de la géologie. Il faut faire preuve d'une grande capacité d'abstraction".
Yves apprécie particulièrement cette notion de jeu, de devoir jongler avec plusieurs paramètres.
"Etre créatif, inventif, faire comprendre", voilà sa mission.
Il considère très clairement que c'est une chance que celle d'avoir le statut d'enseignant-chercheur.
Son rôle est de donner envie, être attractif. Bien sûr, il y a les cours fondamentaux "qui ne sont pas forcément marrants" pour chaque étudiant mais qui ne sont pas une fin en soi.
Il considère qu'il a une réflexion pédagogique à mener : expliquer à l'étudiant, futur chercheur ou ingénieur dans le public ou le privé, pourquoi il aura besoin de ces fondamentaux, tout comme le musicien virtuose, affanchi depuis longtemps du solfège, ne peut manquer de s'y confronter au démarrage de son art.
A quelqu'un qui lui oppose que décidément il s'intéresse à un champ d'investigation inanimé, mort, statique, Yves déclare au contraire "qu'un caillou peut être vivant. A 100 kilomètres de profondeur, ce même caillou est comme du chewing-gum. Les objets géologiques sont dynamiques."
C'est d'ailleurs arriver à faire comprendre cet aspect dynamique de la géologie qui lui paraît essentiel.
Il s'amuse aussi de la communauté des chercheurs qui est une vraie micro-société dans laquelle tous les comportements humains sont à l'oeuvre.
"La science n'est ni froide, ni figée. Elle est affaire de sentiments humains aussi, et donc de conflits, de controverses. Tant qu'un chercheur reste critique sur le modèle qu'il propose, la science peut avancer".
Ce qu'Yves aime le plus dans son métier:
"Permettre à ses étudiants, non seulement d'emmagasiner des connaissances, mais aussi et surtout de leur apprendre à réfléchir.
Valoriser l'esprit de contradiction, de discussion sur eux-mêmes".
Lorsqu'il leur demande de réaliser des mesures, c'est aussi pour les leur faire discuter, leur permettre de les remettre en cause, d'évaluer la qualité de leurs raisonnements, d'éprouver la valeur de leurs arguments.
Il agit pour développer leur autonomie, leur indépendance d'esprit.
C'est aussi l'indépendance dont il jouit qui lui a fait choisir ce métier. "Je peux choisir mon objet d'analyse lorsque je fais de la recherche. A moi de trouver les moyens pour financer mes recherches grâce à des fonds privés et publics."
Yves apprécie cette notion de "pépinière d'idées" qu'est l'Université. "Ce sont parfois des bricolages qui ont nourri la recherche et qui ont permis de déboucher sur des applications essentielles."
Ses relations avec l'industrie le satisfont également. Pour lui, c'est une nécessité d'avoir partie liée avec elle.
"Les intérêts sont communs. Même si, d'une façon générale, ces liens ne sont pas aussi forts que ce qu'ils pourraient être. Ca me permet de rester en lien avec les réalités du moment, les grands problèmes actuels. C'est ce qui permet à l'Université de ne pas être coupée du monde, pour les étudiants , c'est très important. Il s'agit de créer des esprits capables d'analyser le réel."
Ses recommandations pour s'éclater dans son activité professionnelle:
- "Savoir cultiver son indépendance, savoir préserver un espace où l'on reste maître de son activité. Savoir faire accepter son particularisme, sa spécificité. Ce n'est pas forcément facile, on peut même prendre quelques coups au passage mais c'est valable, c'est important.
C'est aussi la notion d'être comme un électron libre, libre de penser, de concevoir même s'il y a des contraintes.
- Garder la maîtrise de son temps, pouvoir gérer son temps à sa façon, lorsque c'est possible. L'important, c'est le résultat, l'objectif atteint.
- Travailler à fond dans quelque chose. Ne pas compter ses heures. Je suis capable de travailler toute une nuit pour préparer un guide d'excursion terrain pour mes étudiants.
- L'aspect relationnel est aussi important. Je ne pense pas être un grand communicant mais je sais que la relation est quelque chose d'important. Savoir tenir compte de l'autre est important, ça fait partie du confort de travail, le bien-être humain.
- Edicter des règles du jeu qui soient claires et les faire respecter. "Je dis ce que je fais, je fais ce que je dis."
5 commentaires:
Très beau portrait, très touchant.
Voici une façon inhabituelle de présenter un enseignant-chercheur... surout quand on vise soit-même un tel poste ! Continuez dans cet voie Monsieur Géraud, la recherche a besoin de gens comme vous.
Merci
erratum : "dans cette voie"...
Que pourra-t-on dire de plus qu'"anonyme", à part ceci : espérons que chaque étudiant et futur chercheur suivent ces bons conseils...Je pense en effet que la recherche est faite de contradiction et de remise en cause des acquis. Merci pour cet encouradeant optimisme!!
erratum (oui cela arrive à tout le monde) :"chaque étudiant et futur chercheur suive des bons conseils..."
erratum de erratum : "ces bons conseils"
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