1.10.07

Portrait 4 Exposition AST 67 "Vivre son travail": Christiane Petit-Meder, potière, Entreprise Terre de Lune
























Cet article fait partie de la série réalisée dans le cadre du projet de l'AST 67 "Vivre son travail".
Pour en savoir plus, rendez-vous ici.

La vie par dessus tout

Un parcours de vie fait d'engagement, de volonté, d'inventivité et de remise en question, voila bien le chemin arpenté par Christiane depuis 60 ans.

Elle se souvient de l'après-guerre, quand elle venait avec sa tante récolter des fruits et des légumes, tout près d'Eschau.

Elle avait tout juste 3 ans quand elle est tombée amoureuse d'une maison alsacienne, dont elle ne cessait de parler, qu'elle dessinait à tout bout de champ.

C'est cette maison que le destin -ou la volonté déguisée en chance?- lui a permis d'acquérir en 1968 pour en faire son havre, son lieu de vie, son atelier de poterie, bref sa terre d'élection.

Pendant 25 ans, elle y a travaillé avec son mari, en apprenant la poterie sur le tas, les mains dans l'argile, magnifique matière presque vivante, nervée comme un beau bois.

Elle a aussi développé depuis son art de la création de bijoux; elle utilise tout autant le bois pour des objets fantastiques dont elle seule a le secret et les plans dans la tête.

Sa vie, elle ne se résume pas. Elle s'écoute, racontée avec ferveur et passion, autour d'une belle table en bois sur laquelle est posée le café qu'elle m'offre avec une gentillesse confondante.

Mais on ne reste pas longtemps assis avec Christiane. Sa maison et son atelier se touchent, il n'y a pas de frontière entre la vie personnelle et professionnelle.

Et ma rencontre avec cette artiste de la vie se poursuivra dans la cuisine, dans la cour, dans le magasin qui ressemble à une chaumière de conte de fées avec ses multiples cuisinières anciennes et ses superbes décorations, jusqu'à l'atelier, magnifique lieu de travail.

J'aurai même droit de découvrir un lieu qu'elle ne fait jamais visiter, celui où toutes ses perles, "ses trucs et ses machins", comme elle dit, ses bouts de bois ramassés, toutes ses collections éparses d'objets incroyables sont entreposés en attendant de servir, d'être assemblés, transformés pour servir de nouvelles créations.

"Moi, l'école c'était bof bof... j'ai très vite choisi de faire plein de petits boulots. Fleuriste, décoratrice. Je me souviens avoir fait le tour de Strasbourg en vélo à la recherche de magasins prêts à m'embaucher. J'avais à peine 13 ans."

Elle travaillera dans une bijouterie pendant une dizaine d'années pour finalement rejoindre son mari dans la maison qu'ils s'étaient offerte pour y abriter son atelier de poterie.

Et puis, parce que la vie est une éternelle roue, elle a connu aussi la rupture pour mieux redémarrer.

Avec un divorce et de solides problèmes financiers à résoudre, Christiane s'est prouvée qu'elle était capable de maîtriser les rênes de son destin.

Les banques lui ont fait confiance, elle a élargi ses compétences et a remis son affaire sur les rails, avec la volonté farouche de ne pas céder sur son indépendance.

Jusqu'à retomber dans les filets de l'amour avec un chef-pâtissier qui lui a apporté le réconfort et de petites recettes qu'elle offre aujourd'hui à ses clients.

Le chocolat, les confitures spéciales, les vins fins complètent à présent les objets qu'elle fabrique pour créer une atmosphère tout à fait unique dans sa boutique.

"L'engagement, la rectitude, la confiance j'ai pu en évaluer l'importance tout au long de ma vie. La volonté de s'en sortir aussi, même quand tout semble aller de travers. Il y a toujours des solutions. Et les hasards heureux peuvent se présenter, il suffit de savoir s'y préparer, d'être capable de les accueillir."

"Il faut savoir se débrouiller. Avec la vie c'est comme avec un frigo. il n'est pas toujours plein à ras bord, parfois il n'y a plus que des restes. Eh bien, ça suffit pour faire quelque chose de bon à partager avec les amis. A condition d'en avoir envie, d'être un peu créatif, on trouve toujours de quoi préparer un bon petit plat!"

"Je suis comme un bouchon de liège, je peux aller très loin au fond de l'océan, je finirai toujours par remonter à la surface."

Voila une belle philosophie de vie qui ne nie aucune des contraintes rencontrées mais n'oublie rien non plus de tous les bonheurs quotidiens.

"Aller de l'avant, aller au devant du problème, oser s'y confronter, voila ce que j'ai toujours fait."

Terrienne au sens le plus fort, Christiane me déclare préférer "acheter de la terre que les points de retraite qui me manqueront plus tard ! La terre, ce sont aussi les racines, c'est ma famille, ça structure la famille, c'est important. Je crois aussi à l'importance de la mémoire, j'essaie de cultiver ça chez moi."

Christiane, qui collabore avec France 3 Alsace, pour des émissions qui sentent bon le terroir, se souvient de la fierté, du plaisir qu'elle a ressenti d'être enfin reconnue dans son travail par sa mère.

Elle se souvient aussi de son enfance, des collants bleus que les jeunes filles devaient porter dans son école, et qu'elle choisissait, elle, de porter un collant jaune. Esprit de rébellion, insoumission ?

"Le truc, c'est de faire des choix et de les assumer. Peut-être prouver qu'on peut faire les choses autrement que sur un chemin tracé par les autres."

Lorsque je lui demande ce qui la caractérise selon elle, ce sont les mots de "créativité, d'inventivité" qui reviennent dans sa bouche. Egalement, le besoin de "rechercher, être en ébullition, découvrir, être curieux."

Elle qui se voit franche et directe, veut donner de la vie là où d'autres ne voient que quelque chose de mort. D'où son travail sur le bois, les coquillages, le recyclage de matières.

Son sourire quand elle me parle, son regard, tout chez elle témoigne de son envie, de son appétit, de sa volonté de croquer la vie à belles dents.

"Bien que je ne croie pas vraiment à l'astrologie, je sais que je suis un signe d'air. Je sais choisir le bon courant ascendant, l'air chaud qui porte. J'ai un esprit de débrouillardise."

Christiane me raconte alors le souvenir qu'elle garde d'une époque où elle avait accompagné une amie en vacances. Elle avait juste de quoi se payer le billet d'avion aller-retour. Sur place, elle en profite pour garder un bateau, pas besoin de payer l'hôtel, elle ramasse des coquillages sur la plage, en fera des colliers qu'elle vendra. Au final, elle rentrera plus riche qu'à son départ. Et sans doute plus riche à tous les sens du terme.

Christiane termine son récit qui me prouve la force de la vocation. Toute gamine, elle allait ramasser de la terre, c'est le fossoyeur du cimetière qui lui coupait des tranches d'argile. Avec la terre, elle faisait des perles.

Ses recommandations pour s'éclater dans son métier:

- "Surtout faire ce qui plaît. Ne jamais s'obliger à faire ce qu'on n'aime pas.
- Si quelque chose vous plaît, il faut perséverer. On y arrive toujours.
- Ne pas se laisser influencer, ni conditionner.
- Aller de l'avant."

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