17.10.07

Le fonds patrimonial de la Bibliothèque Municipale de Strasbourg
























L'autre jour, je vous parlais ici-même d'une belle exposition organisée par la Bibliothèque Municipale de Strasbourg dont le thème portait sur les incunables, ces fameux et magnifiques ouvrages imprimés à la fin du XVème siècle (cf article).

A cette occasion, j'ai fait la connaissance du Conservateur en chef, responsable du fonds patrimonial de la bibliothèque, Mme Agathe Bischoff-Morales.

Une femme passionnée qui m'a très gentiment proposé de nous revoir afin de me faire découvrir l'admirable fonds détenu par la BMS.

Et j'ai ainsi eu l'opportunité de découvrir le lieu où quelques 400000 ouvrages anciens sont entreposés.

J'ai pu, non seulement, approcher de magnifiques témoins des siècles passés mais aussi bénéficier d'une présentation exclusive de l'histoire de la biblitohèque municipale, bien trop souvent eclipsée au profit de la Bibliothèque Nationale Universitaire.

Pour Agathe Bischoff-Morales, cet extraordinaire et trop méconnu fonds d'ouvrages "doit aller à la rencontre des personnes, chercheurs, amateurs éclairés", bref, les lecteurs de tous poils désireux de pouvoir en profiter.

Je n'ai pas réfléchi longtemps pour proposer ma collaboration à un projet qui vante le rayonnement de la culture et qui souhaite placer la beauté et le savoir au coeur de la cité. D'autant que le prochain déménagement dans la grande médiathèque qui s'ouvrira bientôt ne peut que favoriser cette idée.

Je prévois ainsi de photographier les plus beaux de ces ouvrages, suivre le déménagement, rencontrer et interviewer les personnes dont l'activité est de protéger et de valoriser ces joyaux, pour finir, je l'espère, par une exposition.

























En attendant de démarrer ce nouveau projet, je ne peux manquer de vous retracer quelques éléments de l'histoire mouvementée de cette institution culturelle strasbourgeoise, telle qu'elle m'a été contée par Agathe Bischoff-Morales.

En France, les bibliothèques telles que nous les connaissons, trouvent leur origine à la Révolution.

Pour Strasbourg, il en est autrement, puisque la ville n'a pas attendu cette époque pour constituer un lieu de conservation et de consultation d'ouvrages.

"En homme des Lumières, Schoepflin, académicien, historien de la ville de Strasbourg et grand connaisseur de l'Alsace, décide que l'ensemble de ses livres seraient offerts à la ville, soit 11000 volumes!"

En 1772, Strasbourg hérite donc de cette magnifique collection.

"Un problème toutefois se pose immédiatement: où donc les stocker?
Un compromis est trouvé avec l'Université protestante et c'est dans le coeur de l'église des Dominicains (situé à l'emplacement du Temple-Neuf actuel) que les ouvrages seront conservés."

Puis, quelque temps plus tard, c'est au tour de Silbermann, le fameux facteur d'orgue, de faire un don à la ville. Le fonds s'enrichit au fur et à mesure.

A la Révolution, l'ensemble des biens de l'église sont confisqués pour être rendus au peuple. 20 couvents vont alors être contraints de transférer leurs fonds, partculièrement riches. La jeune bibliothèque municipale va bénéficier alors des livres en provenance des couvents de Molsheim, du Mont Ste-Odile, de Marmoutier,...
Tout cela sera stocké un temps dans les caves de Fustel de Coulanges.

"Les premiers bibliothécaires seront des prêtres qui ont abjuré leur foi."

Un inventaire sera réalisé. Il est émouvant de trouver dans certains ouvrages des notices écrites à cette époque sur des cartes à jouer. Je ne manquerai pas d'en faire quelques photos.

"Le fonds strasbourgeois devient ainsi tout à fait exceptionnel. Pour preuve,
un texte de 1830 mentionne la bibliothèque en la qualifiant de plus belle du royaume après celle de Paris."

La perle de cette collection était alors le fameux "Hortus Deliciarum" (Le jardin des délices, pour les non-latinistes). Cet ouvrage exceptionnel a été réalisé entre 1159 et 1175 par Herrade de Landsberg et ses moniales au couvent de Hohenbourg (mont Sainte-Odile).Il s'agit de la première encyclopédie connue ayant été réalisée par une femme.

De très grands érudits vont venir consulter cet ouvrage. Des reproductions en seront faites (en particulier par Maurice Engelhardt en 1818, cf le site).

Fort heureusement, puisque tout le fonds municipal va disparaître dans la nuit du 24 au 25 août 1870: la dramatique conséquence du bombardement de la ville par l'armée prussienne.

Seuls 2 ouvrages de cette époque nous sont parvenus, réduits à l'état de reliques à moitié brûlées.

Agathe Bischoff-Morales me rappelle que "quelques années plus tard, le même jour, en 1914, c'est la bibliothèque de Louvain qui sera à son tour détruite par les armées allemandes. Funeste mois d'août puisque la bibliothèque de Sarajevo connaîtra le même sort en 1992!"

Cet incendie de 1870 qui ravagea totalement l'église horrifia bon nombre de Strasbourgeois.

Parmi eux, Rodolphe Reuss.


Historien spécialiste de l'Alsace, il est chargé dès 1873 de reconstituer une nouvelle bibliothèque qui sera installée dans un premier temps dans les bâtiments des grandes boucheries (l'actuel Musée historique).


"Reuss sera un vrai militant, un combattant de la culture qui se battra pour rapatrier sur la ville des milliers d'ouvrages, qui fera greniers et caves pour dénicher des trésors oubliés."

Il réunira et classera plus de 100 000 livres et 900 manuscrits.


La bibliothèque s'installera ensuite non loin de l'Hôpital civil dans le même bâtiment que les Archives municipales pour finalement rejoindre le quartier de la gare en 1975.

Entre-temps, la bibliothèque vivra une dernière grande péripétie
due une fois encore à la folie des hommes, puisque la seconde guerre mondiale la contraindra à faire évacuer le fonds vers la ville de Périgueux.

"Aujourd'hui, ce sont 9 km linéaires de fonds anciens qui vont bientôt rejoindre les nouveaux locaux de la future grande médiathèque."

J'attends avec impatience de photographier le plus vieux manuscrit qui date du IXème siècle.

Mais Agathe Bischoff-Morales m'a aussi mis l'eau à la bouche en me parlant de 24 manuscrits médiévaux, en m'ouvrant un beau manuscrit ornithologique de 1666 écrit par le père et illustré par le fils. Bref, que des trésors.

A l'heure du High-Tech bien en vue sur quantité de blogs et des messages de consommateurs parfois délirants qui les parsèment ("mais oui, le I-Phone sera bientôt commercialisé en France, etc..."), qu'il est bon d'errer tranquillement dans les rayons du temps qui passe.

Les livres vont de pair avec
les humains qui nous les ont transmis, ce sont nos amis. J'espère que la photographie que je pratique pourra se hisser à leur hauteur...







3 commentaires:

Anonyme a dit…

Les photos sont vraiment magiques :)

Anonyme a dit…

merci pour intiresny Dieu

Unknown a dit…

Anonyme : ben si c'est ce que je crois (parce que c'est le deuxième commentaire sur mes blogs de ta part), tu es Nina qui met également ce genre de commentaires ailleurs.
Malheureusement, tu n'es pas très explicite.